JEAN-PHILIPPE ROUBAUD 

Didascalie 8, … ex machina
À l’heure du dessin 11e temps

 

Dans le cadre de la Saison du Dessin
Résidence au sein de la société Milhe et Avons
Un programme du Ministère de la Culture Art & Mondes du Travail
Avec le soutien de la DRAC Provence-Alpes Côte d’Azur

Connu pendant 15 ans sur la scène artistique niçoise au sein d’un duo, Jean-Philippe Roubaud a refondé sa pratique depuis 2015. Il peint le dessin ou dessine la peinture. Si Jean-Philippe Roubaud oeuvre avec une virtuosité technique proche de l’académisme classique, il n’en reste pas moins, avec son travail de dessin, le témoin de son époque, dont il crayonne la diversité sémantique en noir et blanc. Loin des considérations de teintes inhérentes à la couleur, il excelle dans l’art des ombres et des lumières. L’artiste s’oblige à restreindre ses moyens et réduit l’acte à son plus petit appareil pour n’en garder que l’essentiel. Il utilise le crayon, le pinceau et systématiquement le graphite. La poudre de graphite sur fond blanc définit la matérialisation du dessin par un simple dépôt. La rencontre a lieu à la surface du papier et témoigne de la présence de l’eau élément premier au sens du fond et de la forme. La poudre graphite, élément second, définit la matérialisation du langage. Le papier, support classique du dessin, se fait tour à tour plan et volume, trompe l’oeil ou abstraction. Si l’oeuvre de l’artiste s’ancre dans le dessin, c’est qu’il lui permet le mélange indirect des médiums. Libre d’emprunter l’imaginaire au réel, d’assembler ou d’interpréter pour fabriquer l’image, ses réalisations réunissent les contraires, la culture et la sous-culture aussi bien que la trivialité du monde. Son travail emprunte à la peinture, à la sculpture, à la photographie, à l’architecture et enfin à la performance. Des recherches interrogeant l’interaction entre percussions, vidéo et dessin, ainsi qu’un travail d’expérimentation sur la céramique viennent compléter sa production artistique. Ses productions recomposées dans plusieurs séries sont conçues comme un tout organique et lié, permettant à l’artiste d’interroger sans cesse la place du dessin dans l’histoire de l’Art. L’artiste Jean-Philippe Roubaud est suivi depuis longtemps par Martine Robin, directrice et commissaire des expositions du Château de Servières et qui l’a particulièrement accompagné depuis 3 ans. L’artiste a été présenté à l’occasion de l’exposition collective La Montagne d’Or, dans le cadre de la Saison du Dessin, du 16 octobre au 18 décembre 2021. Il a ensuite participé à la 14e édition des Arts Ephémères Occurrence en 2022 sous le commissariat d’Isabelle Bourgeois et Martine Robin ainsi qu’à la seconde édition du festival Marcel Longchamp, Il circule – événement co-produit par le Château de Servières et la Mairie des 4e et 5e arrondissements de Marseille, à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine. L’équipe du Château de Servières a toujours été impressionnée par son investissement et sa faculté à se lancer des défis de création à partir de nouveaux médiums. Il est intervenu dans des contextes variés, parfois inhabituels et répond toujours aux invitations qui lui sont faîtes. Sa faculté d’adaptation et sa volonté d’expérimentation l’ont naturellement incité à se confronter au milieu de l’entreprise et c’est avec confiance que le Château de Servières a accompagné ce projet.

© Jean-Christophe Lett

 

«Le point de départ de l’exposition fait suite à une résidence de plusieurs semaines dans l’entreprise d’emballages Milhe & Avons de Marseille, projet porté par le Château de Servières dans le cadre du dispositif du Ministère de la culture « Art & Mondes du travail ». Ce temps de résidence passé au milieu des chaînes de production m’a permis de questionner ma propre pratique de dessinateur :
-l’utilisation du papier comme support,
-le rapport entre industrialisation, marchandisation et la réalisation d’une oeuvre originale, d’un dessin unique.

L’exposition « … ex machina » me permet de mettre en perspective plusieurs séries et de  repenser la place de l’artiste et son rôle dans la société. De la même manière que le mot didascalie trouve ses fondations dans le théâtre, le terme « ex machina » autrement dit « issu de la machine » est un procédé bien connu du vocabulaire théâtral du XVIIe siècle. Il est utilisé pour expliquer un dénouement arrivant par hasard et de manière inopinée, faisant écho au bon vouloir du prince. L’expression « deus ex machina » soit « dieu descendu de la machine » tente de réunir la question irrésolue entre matérialisme et spiritualité. Pour cette exposition l’artiste prend la place d’un démiurge créateur de mondes, qui, à partir d’une ligne, d’un mouvement issu une chaîne de production, réalise une oeuvre. Plusieurs thèmes sont donc abordés à travers plusieurs séries de dessins :
-la production sérielle,
-l’apparition et l’appropriation d’une contreculture,
-l’utilisation et la récupération par le système économique des formes et des idées avec l’efficacité des slogans ou des images reproduites jusqu’à saturation,
-la vanité de l’oeuvre d’art et de l’artiste et leurs rôles témoins dans l’anthropocène,
-notre place en tant qu’humain face à une spiritualité de proximité comme la famille, le clan, le quartier, la ville.

…ex machina ou l’art, au-delà de la dimension esthétique, comme objet critique de sociologie car investi des mêmes valeurs – singularité et universalité.»

 

Jean-Philippe Roubaud
Septembre 2024

La résidence Art & Mondes du Travail
Un dispositif du Ministère de la Culture
Porté par le Château de Servières

La résidence s’est déroulée au sein de la société Milhe et Avons à partir d’octobre 2023 et aboutit en octobre 2024 avec la restitution et l’exposition au Château de Servières.

Milhe & Avons Concepteur, fabricant et distributeur de sacs et d’emballages créé en 1876 par Madame Françoise Milhe. La société a progressivement évolué vers l’emballage polyéthylène tout en continuant de produire du papier apte au contact alimentaire. En 1960 s’est développée une gamme de distribution de produits d’emballage. Depuis 2005, l’entreprise se dirige vers les papiers issus de forêts gérées ou issus de matières premières recyclées à 70% et s’oriente vers les encres à l’eau pour améliorer les performances environnementales. En plus d’une politique qualité instaurée via un contrat de confiance avec les clients, la société est impliquée dans une démarche environnementale.
Milhe et Avons est membre de l’association Mécènes du Sud depuis 10 ans et l’Entreprise soutient le financement de l’Art contemporain par ce biais. En 2018, Milhe et Avons a accueilli l’artiste Mehdi Zannad dans le cadre de MP 2018. Cette expérience de « résidence d’artiste » a été une réussite, aussi bien pour l’Entreprise que pour l’Artiste. C’est ainsi qu’ils ont souhaité réitérer l’expérience avec Jean-Philippe Roubaud. Un espace dédié à l’artiste au sein de l’entreprise a permis une étroite collaboration avec les graphistes, la possibilité d’accéder à tous les ateliers, aux éléments, matériaux, papiers réformés, déchets, ainsi qu’aux archives de l’entreprise Milhe et Avons. Jean-Philippe Roubaud a pu bénéficier de dons de matériaux (bobines de papier de différentes tailles, sacs manufacturés,…) et de découpes sur mesure.
Un temps de restitution a été organisé en janvier 2024 au sein de Milhe et Avons dans le cadre des voeux annuels et du bilan présenté aux salariés. Une présentation du travail a été faite dans le cadre convivial à l’ensemble des salariés. L’immersion avec des spécialistes du pliage a permis à l’artiste de penser le papier en volume et de faire évoluer son travail de dessin sculptural vers d’autres formes issues de l’industrie, mais aussi autour de la découpe. Il a pu s’inspirer des différents secteurs de l’entreprise notamment avec la série de dessins sur les mains qui travaillent. L’omniprésence du papier, des bureaux jusqu’à la chaîne de production, pour finir avec les salariés du service Expédition, l’a aussi inspiré.
Certaines sculptures produites pendant ce temps de résidence ont été présentées dans le cadre de son exposition personnelle Didascalie 7, palais obscur, à la galerie Espace à Vendre à Nice du 22 avril au 22 mai 2024 Jean-Philippe a pu bénéficier d’une formation sur certains postes de machines et de manutention, et de temps de transmission des différents savoirfaire. C’est cette complicité qui se retrouve dans la production des pièces présentées dans la restitution.

 

© Jean-Philippe Roubaud